Jeudi 3 Décembre J-8 : Galerie des Solutions, fin du monde et biomimétisme

Les négociations partent en vrille donc moi aussi. Vous me pardonnerez. Aujourd’hui je vous explique comment on va tous mourir et pourquoi s’inspirer du vivant peut nous sauver. Mais avant, petit reportage à la Galerie des Solutions et décorticage des annonces de la journée !


Breaking COP News

Un tour d’horizon des actualités fraîches des négociations

 

  • Quels sont les pays les plus touchés par le réchauffement climatique ?

C’est une question qui revient souvent. Selon un rapport de l’institut German Watch, il s’agirait du Honduras, de la Birmanie et Haïti. Ces trois pays sont suivis par les Philippines, la Thaïlande et le Guatemala. En 20 ans, 525 000 personnes ont été tuées par environ 15 000 évènements extrêmes. Le bilan financier s’élève à 2,97 trillions de dollars pour la même période.

  • Le projet d’accord avance mais…

Aujourd’hui, le site de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) publie un nouveau projet d’accord qui passe de 55 à 50 pages. Cependant, les crochets sont toujours là et l’accord actuel compte encore plus de 250 options. Matthieu Orphelin, porte-parole de la fondation Nicolas Hulot a longuement commenté la lenteur des négociations :

« Nous n’avons plus que 48 heures, il faut que les négociations accélèrent. [Il faut] sortir des jeux de postures habituels. Un tel constat de lenteur est traditionnel dans les COP, mais cette fois il ne faut pas le prendre à la légère : si la COP de Copenhague (en 2009) a échoué, c’est notamment parce que le texte sorti de la première semaine de négociations comportait trop d’options pour la deuxième semaine. Il y a là un point d’alerte fort.(…) La seule solution est de traiter dans le même temps les points importants : la révision des engagements, les financements et les transferts de technologie. »

Pour accélérer le G77 (133 pays en développement et la Chine) ont demandé à réduire le nombre de groupes de travail. Ce même groupe a mis la pression sur les pays développés concernant le point de blocage qui entoure la question des financements : « Le niveau des soutiens financiers qui seront fournis par les pays développés aux pays en voie de développement après 2020, date d’entrée en vigueur du futur accord, doit être « clarifié » ». Ces pays demandent aux pays développés d’honorer la promesse de 100 milliards de dollars annuels à Durban en 2011 et demandent une augmentation « substantielle » de ce montant.

En réponse, les pays développés souhaiteraient que les pays émergents participent également au financement du fond vert contrairement à ce que stipule la CCNUCC.

Demain c’est le dernier jour pour les négociateurs. Samedi, il faudra présenter le texte d’accord définitif.

  • Terminator au secours de la COP21

Samedi, le texte d’accord sera présenté à Laurent Fabius (Président de la COP21) et à des parlementaires de 167 pays. L’acteur Américain, gouverneur républicain de Californie et fondateur de l’ONG R20 (Regions of Climate Action) Arnold Schwarzenegger sera également présent en tant qu’invité spécial.

 Dommage que le changement climatique ne soit pas un coup de Skynet !


Aujourd’hui j’ai pu me rendre à la Galerie des Solutions. C’est l’espace réservé aux entreprises sur le site du Bourget. Chacun vient y présenter ses solutions « bas carbone » pour lutter contre le changement climatique. Un bon gros salon commercial sauf que tous les logos sont peints en vert.

Les organisateurs de la COY ont su démontrer qu’il était possible d’organiser un événement ambitieux rassemblant plusieurs milliers de personnes en adaptant une démarche responsable. A priori les organisateurs de la Galerie des Solutions n’ont pas reçu le mémo. J’ai bien rigolé de voir qu’en 2015, quand il s’agit de présenter des solutions bas carbone, on choisit de le faire dans une tente en toile surchauffée et sans isolation au milieu des jets privés qui stationnent sur le tarmac de l’aéroport. Le symbole est fort.

Vous aviez dit bas carbone non ?

Je passe rapidement sur le contenu des stands. Les exposants sont essentiellement là pour trouver des clients ou communiquer sur leurs derniers produits. Mais bon, j’ai pu ramener (ou pas) ma collection de stylos SPIE, Honda ou mon petit drapeau des Emirats Arabes Unis.

 Arrêtez tout les gars, le stylo sabre laser nous sauvera du changement climatique

Heureusement, le contenu des conférences (et le buffet) a sauvé ma journée. J’ai pu assister à une conférence organisée par le PNUE (Programme des Nation Unies pour l’Environnement) au sujet des solutions bas carbone dans le secteur des bâtiments. En la matière, l’Europe et la France semblent faire preuve de beaucoup de leadership et d’initiatives au niveau international (raiight).

Coté rencontres, j’ai pu discuter avec l’entreprise Sunna Design qui développe des systèmes autonomes d’éclairages pour les villages non électrifiés d’Afrique. Le système se compose d’un panneau solaire équipé en haut d’un lampadaire à LED destiné à éclairer la place du village. Ensuite, un système de câblage permet d’équiper les maisons du village d’une ampoule et d’un système de chargeur USB. La batterie et toute l’électronique sont intégrées directement dans le lampadaire. Malheureusement, compte tenu de l’isolement des différents villages, le dispositif est conçu pour être avant tout très robuste ce qui rend, d’après ses concepteurs, toute réparation ou recyclage très compliquée. Ainsi, lorsque l’appareil est cassé, il faut remplacer tout le dispositif !

J’ai aussi pu rencontrer l’équipe à l’origine du projet Fairphone. Il s’agit de développer un smartphone capable d’impacter socialement et écologiquement tout le marché et la filière du téléphone portable qui sont souvent pointés du doigt (conditions sociales des travailleurs, exploitation humaines dans les mines de Coltan, voir l’émission sur le sujet de Cash Investigation). L’idée est de fixer un cahier des charges stricte en matière de transparence sur l’origine des composants et leurs conditions de fabrication. L’entreprise mise aussi sur un recyclage avancé en concevant ses appareils de façon à être entièrement démontables et chaque composant remplaçable par l’utilisateur. Si votre écran est cassé, un simple clip et vous pouvez le changer. Fairphone récupère alors l’écran endommagé pour le recycler en Europe. Le but avoué par l’équipe de Fairphone n’est pas de créer le smartphone parfait sur le plan social et environnemental mais de créer un mouvement qui forcera les « gros » constructeurs du marché à suivre leur démarche. Et ça marche plutôt bien puisqu’après une première version rapidement arrivée en rupture de stock, les précommandes de Fairphone 2 s’envolent comme des petits pains.


Le Biomimétisme

Et si la solution était dans le vivant ?

« Vas prendre tes leçons dans la nature, c’est là qu’est notre futur »

Léonard de Vinci

Hier soir, j’avais rendez-vous pour une conférence sur le biomimétisme, dans le 2e arrondissement au Player (le temple de l’entreprenariat social à Paris qui accueille entres autres Ticket For Change et Socialter). Au début, je ne savais pas si j’allais pouvoir parler de cette conférence sur ce blog. Après la journée d’aujourd’hui, c’est une évidence. Car la COP21 met, selon moi, aujourd’hui en lumière deux visions possibles de notre avenir qui font débat :

  • La première, celle de la Galerie des Solutions, c’est celle du (green) Business as Usual. On reste dans un modèle économique à dominante capitaliste et on essaye de changer petit à petit en passant de la voiture à essence à la voiture électrique, des énergies fossiles à un mix énergétique renouvelable + nucléaire + smart grids/buildings/cities (rayer la mention inutile). Cette vision est partagée par la majorité des délégations officielles (sauf peut-être la Bolivie) et est poussée par la plupart des représentants des entreprises et les institutions économiques dominantes (FMI, OCDE…).

  • Pour les partisans de la deuxième vision, cette méthode ne nous fera que gagner du temps. Dans « l’Age des low tech », Philippe Bihouix (Arts et métiers) montre que le passage aux énergies renouvelables (sans remise en question de notre modèle de société ou de nos niveaux de consommation) ne fera que transférer le problème du C02 (ou du climat) vers la raréfaction des ressources métalliques tant ces technologies en sont dépendantes et compliquent les procédés de recyclages (voir l’exemple de Sunna Design). Depuis 30 ans, Denis Meadows (auteur du livre  «Les Limites à la croissance ») montre que pour résoudre la crise que nous traversons il faudra remettre en question notre modèle économique et que de nombreux indicateurs de« dépassement » des limites finies de notre planète sont dans le rouge. (Ceci est très rapidement résumé, si ça vous intéresse, je pourrais consacrer un article complet à cette thématique). On retrouve cette vision dans certains groupes d’ONG et chez des intellectuels de plus en plus nombreux.

Hier j’ai pu rencontrer l’un d’entre eux, Gauthier Chapelle, expert en biomimétisme et auteur du livre « Le vivant comme modèle ». Le biomimétisme c’est l’art de s’inspirer et d’imiter la nature en innovant en reprenant les grands principes d’équilibre du vivant comme modèle. Maitre mot, résilience : Capacité d’adaptation aux perturbations et aux dépendances de notre environnement. En résumé imaginez un instant que l’Histoire de la Terre de 3,8 Milliard d’année soit ramenée à 1 année. Maintenant devinez à quelle est la date de naissance de l’humanité sur ce nouveau calendrier.

Une idée ?

Voilà ce que ça donne :

  • 1er Janvier : Création de la Terre
  • 26 Février : Apparition de la vie bactérienne
  • 3 Avril : Apparition de la photosynthèse
  • 20 aout : Apparition des organismes multicellulaires
  • 22 Novembre : Les plantes colonisent la surface
  • 11 Décembre : Les mammifères s’en mêlent
  • 31 Décembre à 23h54 : Homo Sapiens Sapiens rentre sur la piste
  • 31 Décembre à 23h59’59’’ : Révolution industrielle et découverte des énergies fossiles

T’as toujours autant le boulard ?

A partir de là, on prend un peu de recul, on sort de notre vision anthropocentrée (voire égocentrée). On replace l’être humain et son économie au centre de la biosphère. On peut se demander si la Nature n’a pas des milliards d’années d’avance en matière d’innovation et si l’ensemble des solutions à nos problèmes ne se trouvent pas déjà dans le vivant. Depuis tout ce temps, la Nature a réussi à se réinventer sans générer de déchets et en exploitant uniquement l’énergie du soleil. Imaginez un instant que l’ensemble du vivant n’a utilisé en 3,8 milliard d’années que 4 composés (Carbone, Oxygène, Hydrogène et Azote) pour gérer 99% de ses procédés. Si elles ont existé, les espèces qui n’ont pas fait ce choix ne semblent pas avoir bien réussi. Pendant ce temps-là, l’Humanité choisit d’épuiser l’ensemble du tableau de Mendeleïev avant de se poser les bonnes questions.

En biologie, lorsqu’une espèce commence à dépasser les limites de son environnement (appelées Capacité), il y a alors 2 issues possibles :

  • L’espèce est suffisamment résiliente : elle parvient à s’adapter après une période très difficile. Mais bien souvent, ses conditions de vie sont alors dégradées.

  • La population de l’espèce s’effondre voire c’est l’extinction.

Pour l’instant les applications industrielles du biomimétisme se limitent à copier certaines formes et à les coller sur des objets conçus hors des principes du vivant. Par exemple, le design du Shinkansen (TGV Japonais) est inspiré du bec du martin pécheur. Certains bâtiments à énergie positive (qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment) s’inspirent de l’architecture des termitières. George de Mestral a inventé le velcro en observant la bardane, cette fleur qui se colle à tous les vêtements des randonneurs.

Mais l’enjeu qui nous attend n’est pas de copier de vulgaires formes. C’est tout le modèle de fonctionnement naturel qu’il nous faudra réussir à adopter (et non adapter). L’économie circulaire, la permaculture ou les énergies renouvelables actuelles ne sont que les prémices de cette voie d’avenir. Reste maintenant à savoir s’il n’est pas trop tard pour notre espèce…


J’ai essayé ici de vous donner quelques bases en biomimétisme. Si vous voulez en savoir plus, je ne peux que vous conseiller les ouvrages de Gauthier Chapelle « le vivant comme modèle » ou celui de la pionnière en la matière Janine Benyus.

La fin de cet article n’a pas pour but de vous déprimer. Personnellement j’y vois plein d’opportunités d’agir pour changer le monde 🙂 !

A demain

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