Le seul gagnant de cette COP22, c’est le traiteur

La COP22 a fermé ses portes Vendredi 18 Novembre 2016 après 2 semaines de négociations entre les 197 parties membres de la Convention Cadre des Nations Unies pour le Changement Climatique (CCNUCC). Un an après la COP21 à Paris, moins attendue et moins médiatique, cette COP avait été désignée comme celle de l’action et de la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Il y a deux semaines, j’avais essayé d’en dresser les enjeux principaux dans cet article. Que retenir de la COP22 ?

L’accord de Paris fait pour l’instant consensus

A cette date, 112 parties ont ratifié l’accord de paris signé par toutes les délégations l’année dernière. Dans l’histoire des négociations internationales, c’est historique. Ces 112 parties représentent 77% des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les principaux pollueurs (États-Unis, Chine, Union Européenne, Inde…) jouent le jeu. Pourtant, certains pays semblent bien silencieux (comme la Russie et les pays arabes) au sujet de leur ratification malgré les nombreux appels du pied lancés pendant la quinzaine par Ségolène Royale (présidente de la COP21), Salaheddine Mezouar (Président COP22) ou Ban Ki-Moon (secrétaire général des Nations Unies).

Mais ce n’est pas suffisant

A ce stade, l’accord de Paris est une bonne nouvelle. Sans lui, le « Business As Usual » nous mène à un monde à +5 degrés Celsius en 2100 par rapport en 1750. Ce monde serait en grande partie inhabitable pour nous et toutes les espèces vivantes qui garantissent notre survie. Vous avez vu le dernier Mad Max, ça a l’air sympa non ?  Le monde sur lequel nos dirigeants politiques se sont pour l’instant accordés à Paris se situe dans une fourchette entre 2,8 degrés et 3,5 degrés.

L’accord de Paris est constitué de la mise en commun de contributions déposées par chaque partie au sein de la CCNUCC. Tout l’enjeu de Marrakech était de renforcer ces contributions pour contraindre le réchauffement climatique à 2 degrés. En effet, l’état de la science climatique actuelle indique qu’au-dessus de cette limite, le système va s’emballer. Il faut imaginer une balle qui roule sur une table. Au bout de la table (les 2 degrés) la balle tombe et ne remontera jamais sur la table. Le bord de la table ici ce sont la fonte de l’albédo polaire (qui avant reflétait les rayons du soleil), la fonte du pergélisol (des terres gelées qui contiennent beaucoup de GES) ou l’effondrement des capacités de stockage du carbone par la biosphère (qui jusqu’ici nous sauve la mise).

Au-delà de toute la communication positive observée lors de la COP21, l’urgence d’agir est donc toujours bien présente et force est de constater que la COP22 n’a pas fait beaucoup avancer les choses.

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Perso, le sable et le sadomasochisme c’est pas trop mon truc, apparemment à l’ONU ça ne les fait pas trop flipper pour l’instant

Un manque de préparation, peu d’annonces

 A l’issue de cette COP22, le constat est amer. On attendait beaucoup d’annonces et de progrès à Marrakech, on les attend toujours. Certaines délégations ont souligné une certaine négligence du pays organisateur. Beaucoup de pays n’étaient pas suffisamment préparés. Les négociations ont pris beaucoup de temps à démarrer. Très peu d’annonces concrètes avaient été programmées. Les nombreuses déclarations d’attentions et le soulignement de « l’urgence climatique » ne se sont pas transformés en actes.

Paradoxalement, les pays qui ont le moins de moyens pour lutter contre le changement climatique se sont le plus illustrés. Les 48 pays du « Climate Vulnerable Forum », représentant 1 milliards de personnes, se sont accordés pour revoir leurs ambitions climatiques à la hausse avant 2020 et à se lancer dans un développement 100% basé sur les énergies renouvelables (sans toutefois préciser de date ou de moyens de mis en œuvre).

Tous les pays se sont mis d’accord pour fixer en 2018, les règles de mis en œuvre de l’accord de Paris et la revue ou non des ambitions. On dirait le vieux sketch de Chevalier et Laspales qui organisent une réunion pour planifier la prochaine réunion. Sauf que nous sommes aux Nations Unies et que le destin du monde est en jeu…

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La véritable star s’appelait Donald Trump

 En réalité, la véritable star de cette COP22, c’était Donald Trump. L’élection d’un climato sceptique à la tête d’un pays responsable de 25% des émissions cumulées de gaz à effet de serre, ça ne passe pas inaperçu. Malgré tout, la délégation américaine a annoncé que cela ne changerait pas la position des États-Unis sur l’accord de Paris. La Chine (1er pollueur mondial), qui s’était engagée aux côtés des États-Unis à Paris, a elle aussi exprimé sa volonté d’engagement au-delà de la participation américaine. Il y a quand même une impression de gros coup de bluff autour de tout ça pour maintenir l’illusion du consensus. Néanmoins, il est certain que la nomination de Donald Trump a pesé sur les négociations.

Un pari technologique toujours dans la balance… avec le destin de l’humanité

Un an après Paris, la situation n’a donc pas beaucoup évolué. Les dirigeants du monde entier s’accordent consensuellement sur les raisons et l’urgence d’agir pour lutter contre le changement climatique mais ils peinent à trouver un moyen de mettre en œuvre leur ambition et leurs beaux discours. L’explication me parait très claire : ils ne savent pas comment faire donc ils repoussent les échéances de décisions. Ils font comme le joueur de poker qui n’a pas eu de jeu au tirage : ils bluffent. Le changement climatique est le résultat de l’utilisation massive des énergies fossiles par une petite partie de la population mondiale. Aujourd’hui aucune forme d’énergie (éolien, solaire, nucléaire, hydrogène…) ne peut rivaliser en terme de praticité, de coûts et de disponibilité avec le pétrole, le charbon et le gaz. Notre modèle économique ne se passera pas tout de suite de centrales thermiques, de supertankers, de cargos et d’avion de ligne. Le charbon reste l’énergie la plus simple et la moins chère pour bâtir ou équilibrer un système électrique. Le pétrole n’a pas d’équivalent dans le secteur des transports, du plastique ou de la chimie. Et le gaz est encore présenté comme une énergie d’avenir, abondante et « peu » polluante ! D’ailleurs, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) prévoit qu’en 2040, 74% de l’énergie primaire consommée sera encore d’origine fossile (contre 81% aujourd’hui) ce qui serait complétement incompatible avec l’Accord de Paris et les trajectoires d’un réchauffement contenu à 2 degré celsius. Par ailleurs, l’AIE a rappelé que l’Histoire de l’énergie n’était pas écrite à l’avance et dépendait de l’action des états.

Pour l’instant, faute de vouloir changer ce système économique, nos dirigeants politiques se heurtent au mur de la réalité physique du pari technologique entrepris à Paris : Serons-nous capables d’inventer les nouvelles technologies capables de fournir un niveau de vie décent à toute la planète, d’assurer le fonctionnement de notre système économique et de réparer les dégâts qu’il a causé dans l’urgence que nous impose le changement climatique ? Le pari est risqué. Car plus on attendra, plus nous aurons perdu du temps. Et plus il sera difficile de stopper la machine. Mais après tout, ceux qui discutaient ces deux dernières semaines à Marrakech ne seront, pour la plupart, plus là pour le voir. Pas grave, la véritable urgence, c’est de réserver le traiteur pour la COP23 à Bonn (Allemagne) l’année prochaine. Il s’agirait pas de manquer d’ambition les gars…

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On a 15 ans pour faire avancer ce truc avec des éoliennes

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